mercredi 22 juillet 2009

Cross-fly, étape 5

La Clusaz – Passy Mont Blanc

C’est la dernière étape de notre périple. Le bivouac de cette nuit fut le plus froid de tous mais sans la pluie. Le réveil au pied des Aravis en ombre chinoise est mémorable. Nous sommes côté ouest de la chaîne et la manche consiste à passer de l’autre côté puis de rejoindre le lac de Passy, ultime atterro de la course. Une première marche (avec les sacs) nous conduit à 1500 m d’altitude après 10 km, au Crêt du Merle. Puis nous enchaînons 500 m de dénivelée jusqu’au Crêt du Loup. De là, nous grimpons encore environ 200m en direction de l’Aiguille pour trouver un espace sympa pour décoller. Bref, il est 13H30 quand je suis prêt à partir. Mais ma lucidité est entamée et je suis à la lettre le plan prévu c'est-à-dire juste le gain nécessaire pour passer le col des Aravis. Je délaisse donc un thermique à 2200m et me lance sur la face est. J’aperçois alors plusieurs voiles droit devant moi, au-dessus de La Giettaz et je me dis que c’est donc là qu’il faut aller. Erreur fatale ! Je n’avais qu’à longer au plus près la face est et me laisser porter jusqu’au bout de la chaîne et c’était gagné. L’autre option c’était de rester sur les faces ouest, d’attendre que ça chauffe puis de foncer sur la pointe percée, l’extrémité de la chaîne et ensuite de basculer vers le goal. Mais non, il a fallu que je me jette tête la première dans le piège. Bon, me voila donc en train de faire des allers-retours les pieds dans les feuilles en espérant une bulle salvatrice. Le problème c’est que nous sommes un bon paquet et que les places sont chères. Au bout de quelques minutes je dois me résoudre à poser pour essayer de monter plus haut dans la pente et plus au nord afin de me rapprocher du but. Mais décidément ce n’est pas mon jour. Premier déco trouvé au bout d’une demi-heure mais plus de brise et peu de pente.

Fatigue + mauvaises conditions au déco=déco foiré. Je remonte et marche encore une demi-heure pour trouver une pente abrupte afin d’être en l’air le plus vite possible. Mais le vent a maintenant tourné et je sens dans ma nuque le doux zéphyr qui me susurre que je vais devoir me farcir les 15 bornes à pied (à vol d’oiseau ; calculez vous-même par les pistes et routes, moi j’ai renoncé !). Je me pose et réfléchis comme je peux et je m’aperçois que, de brefs instants, la brise arrière fait des petites pauses. Ni une ni deux. Je prépare le matériel comme dans les livres en vérifiant chaque suspente, chaque maillon, bref la vraie prévol de chez….moi ! Puis je me place dos à la voile suspentes légèrement détendues et centré pile poil. Et j’attends ; Et j’attends ; Plusieurs minutes se passent mais la brise de cul est toujours là. Je désespère vraiment et je me donne encore cinq minutes avant de tout bâcher quand les herbes semblent s’immobiliser un instant. Je me lance comme un sprinter tel que nous le faisions dans le temps avec les voiles de parachutisme. La voile commence à prendre mon poids en charge et c’est la rupture de pente ; Je plonge comme une pierre en jouant sur les freins chirurgicalement et en galopant comme un fou et le miracle s’accompli. Mais le sol se rapproche à nouveau et tout va très vite. Je me hurle de courir comme à un élève. Je retouche une fois, deux fois et puis je me dégage. C’est gagné !

Je plane maintenant dans le calme en direction d’une gorge boisée peu accueillante mais quelques champs tapissent le fond. Pas de problème en cas de vache. De plus, l’espoir est revenu et avec lui la technique et l’observation. Les mouvements des feuilles me guident et un quart d’heure plus tard j’ai repris suffisamment de gaz dans le thermo dynamique pour espérer passer ce verrou. Il me manque environ 200 mètres et je pourrai basculer au-dessus du col en direction de Sallanches. C’est alors qu’une voile (Roland Wacogne) me rejoint et ensemble nous essayons de travailler le peu qu’il y a. Soudain nous centrons une belle bulle et le pari semble gagné. Mais je fais une erreur et le temps de me replacer c’est trop tard. Roland est passé et j’ai à nouveau les pieds dans les feuilles. Je suis crevé et n’ai plus la force de me battre. J’abandonne la partie et me pose au fond de ce cul-de-sac dans un champ de fleurs des champs aussi hautes que moi. Je sors rapidement, m’assois au bord du chemin, puis je préviens la récup, signalant par là mon abandon à ce point du parcours. Je vais encore redescendre bruyamment au classement…Mais cela n’a plus d’importance maintenant. J’ai trouvé ce que j’étais venu chercher.

Le reste est anecdotique, long retour en navette ou nous récupérons des pilotes au fur et à mesure, arrivée tardive au bivouac ou la remise des prix a déjà commencé ( !) installation, repas, et la nuit au pied du Mont Blanc qui s’impose sur un ciel de carte postale pendant que des ballons lumineux montent au loin. Nous remercions les organisateurs, saluons nos nouveaux copains de jeu et, bien sûr, nous nous promettons de revenir.

1 commentaire:

Mickael a dit…

Super intéressant de vivre ton vol avec les commentaires en live !